dimanche, novembre 25, 2012

Reportage



Aplatir les longs moments écoulés dans l’hébétude, dans le coma d’une persistance aveugle.
Défiger les instants. 


 

GUERRIC a une passion sans équivoque : puiser le bien dans le mal. Son bonheur était de trouver l’objet, la personne, le sentiment, l’activité nuisible pour y trouver un trésor enfoui.
La recherche pouvait durer, GUERRIC est aveugle, persistant et parvient souvent à créer  un environnement de survie, dans lequel l’élément – quel que soit sa nature – devient vital, et les rares qualités, un pilier dans son monde.
GUERRIC est tenace. Il reçoit des gifles, voit les horreurs défiler en l’effleurant jour après jour, en créant des éraflures indélébiles.


Il se réjouissait de ces furtifs moments d’escale, y puisait sa force et y confirmait son combat quand le mal lui rendait un peu de bien. L’espoir s’amplifiait et justifiait son entêtement.
Il voulait être Là. Il voulait toucher au changement qu’il pouvait apporter. Il voulait agir et percevoir la reconnaissance du Mal.

Il ne photographiait pas les moments dans sa mémoire. Il abhorrait l’immortalité, la déformation que pouvaient subir ces instants sortis de leur contexte , emprisonnés sur un support papier ou numérique puis cultivées et arrosées de larmes ou de sourires remplis de regret.

GUERRIC ne cherchait pas à arrêter le temps, il le laissait filer et défiler, il en dévalait les pentes en continu, courait, résistait sans essayer de l’attraper.
Il aurait pu cependant le ralentir, le sentir frôler son visage, ancrer sa mémoire, apprécier sa lenteur. Dans l’adrénaline, dans l’ambition irréprochable, dans le narcissisme du bien, l’acceptation de la nature, GUERRIC laissait le temps faire à sa guise.

La lenteur active la Mémoire.
GUERRIC dans sa quête de l’Absolu choisit la vitesse.
GUERRIC dans sa quête de l’Absolu a perdu la Mémoire des moments parcourus pendant la Course.

La course arrivait à sa fin quand l’Absolu de son pouvoir a violemment repoussé GUERRIC.
Ennuyé par la persistance, par la menace d’être touché, l’Absolu décide de renier sa propre existence et de se replier dans l’imaginaire.
GUERRIC flotte entre un monde sans mémoire abandonné en vitesse et celui de l’Absolu presqu’imaginaire.
Suspendu dans l’Apesanteur, il cherche les conclusions à tirer, les actions à prendre.
Dans son cerveau, il cherche dans les rares moments de lenteur ce que sa Mémoire aurait pu sauvegarder. Il ne trouve que des photos sans contexte et les rejette aussitôt pour éviter la désorientation.


Les photos sont traîtresses et se nourrissent de larmes.

GUERRIC est issu d’un conte de fée. Il court derrière une fleur, un être, un concept pour atteindre le bonheur de l’Absolu. Il est l’exception qui ne retient pas les obstacles mais l’obsession du sentiment qu’il aurait acquis en fin de course.
Suspendu dans l’Apesanteur, il cherche à se frayer un chemin au milieu de sa solitude.

Conscient que les miettes de pain jetées pendant sa course ont déjà disparu, il ne cherche pas à rebrousser chemin mais à changer d’orientation, à ajuster l’objet de quête, à programmer un autre noble objectif de parcours.
Conscient du risque, il reprend une course indéfinie, en construisant des repères instantanés, tisse sa toile selon les coins qui se présentent.
Conscient de la perte, il décide de la repousser au fond de sa pauvre mémoire, en vitesse pour limiter les éraflures de son passage et la persistance de ses images.

GUERRIC est condamné par le recommencement à subir le mal qu’il se passionne à explorer.
A éviter les images, il ne garde que la Foi et des Principes sans Mémoire, pour un mal dont la nature a subi un ancrage irréversible.


lundi, septembre 10, 2012

Steps

S.

Quand j'ai compris le sens de ses mots, le temps s'est arrêté pendant quelques minutes. Je ne voulais pas comprendre, comprendre malgré la facilité m'était insurmontable. Il fallait que je réagisse. Dans ces moments, je pense à ces pièces de théâtre, quand de choc les femmes s'évanouissent, ou à ce livre du collège quand Iseult s'est laissée mourir... J'ai longtemps soupçonné mon humanité faute de réaction "normale". Je crois que j'ai été atteinte d'une sorte de tétanos, tout mon corps s'est contracté, je suis devenue pierre.
Au bout de quelques minutes, j'ai décidé d'enlever le masque... Pour quelques minutes, le temps de toucher mon humanité, puis de la recouvrir.


A.

De l'amertume naît la colère. Chaque jour une nouvelle blessure nerveuse enfouie très vite dans le coeur des neurones. Je laissais échapper de petites explosions pour maintenir viable la pression. J'avais besoin de colère pour nourrir la haine. J'avais besoin de haine pour survivre.

Et pendant ce temps, le défi était de garder la face tous les jours, de garder "le visage habituel", le regard vif, tenir debout, contrôler le corps fantôme, répondre, sourire. Ne pas ennuyer.
Sourire
Ecouter
Ecouter
Répondre
Sourire
Ne pas ennuyer

R.

Se réveiller un jour avec une idée.
"I want my life back"
Quelque chose me l'a arrachée, je dois donc la retrouver, la toucher, l'attrapper et l'emprisonner dans un médaillon
Ne laisser personne s'en approcher, la porter, et la contrôler
Je revois le passé, et j'imagine ma vie se prolonger et aller à l'infini
Un long et pénible combat mental

A.

Ou comprendre que cette vie ne m'appartient plus, que je dois en construire une autre qui ne dépend que de ma personne
Je fixe des yeux ces murs blancs pendant des heures, je me dévoue pour les gens que j'aime, il n'y a pas de répit
Je ne suis qu'une phase. Une phase pour les autres, une transition d'un état à un autre
Une phase.
A ce stade, la douleur n'est plus aigüe, mais grave, profonde et durable
Je gaspille mon temps, sans compter...
Je suis incroyablement occupée à donner.

H.

Je suis fatiguée, je veux en finir. Admettre le besoin et attendre la main tendue... Je n'y suis pas encore. Je force la transition. Je me tends la main à moi-même, une main tremblante, pâle, et fragile. J'essaie de m'habituer au blanc des murs chaque matin après des années vertes, je les décore pour les aimer, du moins les supporter.
Je m'aide à oublier, je ne rejette pas ceux qui peuvent me faire oublier. Je m'aide à m'aimer de nouveau.
Le chemin est long, c'est peut-être l'étape la plus longue avant la guérison.


En attendant, le cœur est désactivé, seul le cerveau est en marche. J'organise ma survie, le meurtre des sentiments et l'amputation des lobes fragiles de mon corps.

vendredi, février 10, 2012

Démence

"La folle" Par Ibara
Les yeux tombent et roulent par terre
Les mains pendantes et les jambes flasques
L’oreille en morceaux
Bientôt la rigidité. C’est mieux que rien, mieux que l’étouffement.
Laisser aller, laisser faire, garder les yeux ouverts pour se voir dans ses pensées, pour assister au spectacle
Le cœur ne veut pas lâcher
Pas de larmes mais les cris transpercent la douleur muette
Pas de haine, pas de surprise. Ce qui arrive est prévisible et naturel
Pas de rancune
Une question obsédante : Et après ? Que va-t-il se passer ?
Le vide est horrifiant, l’ignorance terrifiante.
Les Autres
Le Pardon n’est plus la question
Que reste t-il comme possibilités ?
Comment traverser sans possibilités ?
Fouiller dans l’impossible pour Traverser
Rien ne doit se perdre, Rien ne doit se transformer
Traverser pour revenir au point de départ et recommencer
Ou traverser pour retrouver ce qui est perdu
Rien ne doit se transformer
Plus fort que l’exigence, l’égoïsme absolu
Non, c’est l’horreur de l’overdose de la culpabilité
L’oubli
Et la douleur qui rappelle
Et les mots se répètent et murmurent à l’infini dans l’oreille en lambeaux
Ne rien lâcher jusqu’à traverser
S’accrocher à l’impossible faute de possibilités

Démence.