jeudi, mai 20, 2010

Balanç0ire- Entre deux 4

Elle ne sait pas danser en solitaire devant le miroir. Son image ne lui renvoie pas son propre reflet dansant mais un pantin ridicule qui se déhanche sur un rythme cérébral. C’est ainsi qu’elle l’imagine. Elle se contente alors de se tenir droite et de fixer son visage. Au mieux un sourire. Au mieux, un dialogue avec elle-même aidée par une glace. Au pire des larmes. Au pire, l’immobilisme.

C’est pourtant ainsi que les gens ont appris à danser, en contrôlant leur propre reflet. C’est ainsi que les gens ont appris à se contrôler, à faire les bons gestes, à se tenir correctement, à structurer leurs pensées … à s’auto-frustrer… à se censurer… en surveillant leur propre image, meurs mimiques, leurs discours, en les critiquant et en les reconstruisant.

Elle ne sait pas danser aussi bien que les autres, elle improvise timidement ses pas selon son corps et son environnement. Elle a appris à ne pas se contrôler et ne connaît donc pas le sens réel de la frustration. Sa voix s’écoule de l’improvisation liée à sa pensée et ne s’arrête que devant les mines décomposées des visages scandalisés par l’écart de son opinion. Sa pensée, elle, ne s’arrête pas, continue à marteler son cerveau.

La posture devient gênante, à force de chanceler entre 2mondes, elle devient marginale dans les 2mondes : celui qui la dérange et celui qu’elle dérange.

A dehors modernes et tolérants, les humains se déchirent les opinions inertes et faussement révolutionnaires. Ils se délectent à critiquer un cinéma intouchable pour avoir et donner –surtout- le sentiment de proximité tactile, proclament la tolérance vis-à-vis d’un anti-conformisme emprisonné dans la sphère du banal quotidien dont les dreadlocks d’un siècle précédent constituent l’originalité du siècle présent… Les humains bourdonnent dans une ruche fermée, sans issue, qui tue, qui n’explose jamais. Les humains ont épuisé un vocabulaire répétitif bourré d’égo. Les hommes à défaut de virilité, la cherchent dans un humour dilué. Les femmes ont encore faim d’un mai69 révolu et sans retour.
Le changement n’est plus qu’une idée. L’action est un mot. Le combat, un délire. La culture, un clic dont on se vante. La danse, l’art du miroir.

Refoulant alors son monde, elle s’assoit au bord ne pouvant pas le quitter, ses pieds ont pris profondément racine pour pouvoir les déterrer. Et elle regarde ailleurs, à un horizon ou des mots jaillissent et jouent librement tels les dauphins insouciants de leur propre existence, ignorant l’égo pour s’en soucier. Serait-ce cette même insouciance qui délierait son reflet ?
Elle hésite. Une fois déliée, son reflet et elle seraient alors lacérés et déchiquetés par les humains qui l’entourent, par l’orgueil, la prétention et la simulation amochée de la tolérance.
Elle s’embaume alors de son cynisme trop répugnant, qui par son air hautain, la marginalise et la sépare du miroir, elle abandonne le clic, devenu sans intérêt et disputé par des humains en cage cherchant une fenêtre sans reflet donnant sur l’horizon.